Une journée comme les autres
Bagarre
La plaine résonne de grognements et de jurons étouffés. L’Indien donne des coups adroits de son arc sur le dos du Pirate. Celui-ci titube en essayant vicieusement ( et vainement) de faire un croche-pieds à son adversaire. Il faut dire qu’il a un peu trop fait la fête la nuit dernière et qu’il a encore la gueule de bois. Ce qui se révéle une bonne chose au final. En fait, il trèbuche d’un coup sur ses propres pieds et se retrouve hors de portée de l’arc. L’Indien, surpris, n’arrive pas à suivre les mouvements chaotiques de son adversaire.
Le Pirate en profite pour se redresser et envoyer son poing dans l’estomac de l’autre. Le Peau Rouge grogne et brandit son arc en signe de vengeance. Il en asséne en grand coup sur l’épaule du Pirate, qui essaye de lui casser sa bouteille de rhum sur la tête. Heureusement, il voit double. Et a cogné sur la tête du mauvais Indien, le jumeau inexistant. C’est que c’est sournois une hallucination éthanolée !
Le Peau Rouge saute sur cette diversion pour filer un coup bien vicieux de son arc dans le tibia du Loup de mer. Qui se met à râler.
_ « Saleté de comanche ! Qu’est ce que tu me veux d’abord ? Pourquoi t’es là ?
_ Je suis chez moi ici, sac à vin ! Tu as envahi sur notre territoire, espèce d’outre imbibé !
_ J’envahi rien ! je fais que passer ! J’ vais à la plage ! »
L’Indien secoue alors la tête, sidéré. Ces ivrognes imbéciles ne retiendront donc jamais la leçon ? La plage leur est interdite. Les Sirènes ne supportent pas leurs intrusions. Elles se vengent toujours et avec efficacité. Le prix à payer est très élevé pour celui qui ose les déranger. Mais ce sont de si belles femmes, et gardiennes de si beaux trèsors, que les Pirates ne résistent jamais longtemps à la tentation d’aller les voir. Ils sont surtout incapables de penser avec leurs cerveaux en ce qui les concerne, et se laissent guider par une autre partie de leur anatomie. L’uluberlu du jour n’échappe pas à la règle.
L’Indien décide de lui faire rentrer un peu de plomb dans la cervelle en lui mettant une bonne dérouillée. Il empoigne le Pirate par le col, alors que ce dernier essaye de lui mettre le doigt dans l’œil. Alors qu’ils gesticulent en s’insultant copieusement, la terre se met à trembler. Les deux zigottos se figent, tournés dans la direction du bruit. Qui ne présage rien de bon. Ils savent qu’ils auront bientôt des ennuis. Les Géants de Pierre sont pacifistes par nature mais ils prennent leurs rôles d’arbitres très au sérieux. Ils ne laissent jamais passer une bagarre sans intervenir. A chaque fois, ils débarquent de leurs lourdes démarches, attrapent les combattants par la peau du coup et les raménent chez eux. Où ils les laissent, rouges de honte. C’est terriblement humiliant de rentrer chez soi porter comme un chiot dissipé.
Malgré toutes leurs différences, les Pirates et les Indiens sont d’accord sur ce point. L’antipahtie des Géants leur est commune.
Quand la silhoutte de granit se profile à l’horizon, nos deux loustiques échangent un regard et décident d’un commun accord de filer. Evitant ainsi l’humiliation et le ridicule.
Le Géant de Pierre les regarde cavaler dans la direction de leurs villages respectifs et hausse ses larges épaules. En soupirant, il détourne son immense carcasse et regagne à son tour son chez lui, au bord de la falaise.